Disons les choses tel qu’elles sont: je suis une perfectionniste, un type A. Je suis sur le chemin du type B! ‘La personnalité de type A a été définie par Meyer Friedman et Ray Rosenman en 1959 comme une conduite caractérisée par une hyperactivité un sentiment d’urgence, un énervement facile, ou un hyper-investissement professionnel. L’individu au comportement de type A a besoin de contrôler son environnement afin de réduire son insécurité et souvent il met la barre haute: il a des exigences élevées et manifeste un sens de l’autocritique très poussé face à ses accomplissements. On dénote des attentes irréalistes de perfection incompatibles avec le droit à l’erreur (croyance irrationnelle).’ Les types B sont plus détendus, moins névrosés et plus calmes.
Cela étant dit, depuis plusieurs mois, je désire écrire sur comment je vis mon corps et par conséquent ma vie. Il y a l’expérience de mon corps par l’attention aux sensations qui sont soit agréables (calme, détende, espace, ouverture, fluidité, flottement, légèreté) soit désagréables (douleur, température, tiraillement, tension, pression, brûlure, douleur pulsative, gonflement, etc.), soit neutres (ni agréables ni désagréables). Cette pratique d’attention au corps cultivée à l’aide du yoga et de la méditation m’apprend à reconnaitre l’expérience vécue moment après moment et à rester avec la sensation avant de réagir (plus spontané, moins réfléchi) : la sensation est agréable je veux la garder à tout prix! La sensation est désagréable, je veux m’en défaire à tout prix! J’ai mal à la tête, vite un cachet! Je n’arrive à m’endormir, vite un somnifère! Je suis constipée et/ou je me sens gonflée, vite un laxatif, un lavement! J’ai une sensation d’anxiété vécue dans le corps (étourdissement, serrement dans la poitrine, cœur qui bat plus vite, agitation, inconfort), je veux ouvrir le frigidaire pour manger quelque chose, ou téléphoner à une amie pour ‘déverser’ mes émotions afin de me sentir plus calme, plus confortable dans ma peau.
Cette pratique d’attention aux sensations corporelles me permet de mettre en lumière mes schémas (patterns). Elle est décrite par Tara Brach comme RAIN :
-Reconnaitre ce qui se passe;
-Accepter l’expérience entièrement;
-Investiguer avec soin et curiosité;
-Nourrir avec auto-compassion;
Cette pratique me fait prendre conscience de mes schémas, de toute l’influence de la culture ambiante et de mon éducation sur la perception que j’ai de mon corps. Malgré la volonté de me tenir loin des revues de mode et de leurs dictas (je n’ai pas possédé de pèse-personne durant presque toute ma vie adulte) et mon attirance vers une philosophie humaniste qui met l’emphase sur l’intériorité, je demeure sous le joug des jugements. Jugements que j’ai intériorisés : ‘ventre plat, fesses de fer’, ‘avoir une apparence jeune’, ‘rester en forme coûte que coûte et ne pas trop manger’. Si on ne fait pas ça, on manque de volonté, on se laisse aller! Je vais avoir 59 ans et j’en ai marre d’essayer de rentrer dans la petite case perfection! Je n’en peux plus! En début d’année, il y avait un jeu sur Facebook : on demandait de mettre une photo datant de 10 ans et une photo actuelle pour voir si nous avions bien vieillies. J’ai vu défiler un profond désir d’être rassuré sur notre apparence : ‘Je suis pas si pire que ça! J’ai gardé une apparence jeune!’
À part une auteure et enseignante de yoga du Colorado, Christina Sell qui a écrit un texte qui m’a beaucoup touchée. Voici le texte traduit avec en parenthèses ce que je peux dire sur moi.
« Alors Facebook, tu me demandes si j’ai bien vieillie?
J’ai besoin de lunettes pour lire maintenant, j’ai de plus en plus de cheveux gris, plus de rides, ma peau est plus mince et plus lâche, et même si je pèse sensiblement la même chose (j’ai pris du poids), la composition de mon corps est sûrement différente et la vitesse à laquelle mon corps se remet d’une activité a changé. Sans l’ombre d’un doute, chacun peut observer par soi-même les signes visibles du corps qui vieillit, que je décris. Et sachez que j’hydrate ma peau, je prends des vitamines, je fais de l’exercice, je médite, je mange raisonnablement bien et malgré tout, mon corps change. (Tout vrai pour moi). Et à date, je suis ok avec les changements (honnêtement pas si ok que ça, j’aimerais dire le contraire…).
Ce que les photos ne montrent pas c’est le travail intérieur de bien vieillir. »
Christina continue en écrivant la chance qu’elle a eu d’avoir depuis son adolescence des femmes remplis de de sagesse comme mentors : des enseignantes, des amies plus âgées ou plus jeunes qu’elle. L’une d’elles lui a dit : « vieillir avec grâce ne se fait pas tout seul. Si tu veux vieillir avec grâce, tu dois y mettre des efforts. »
« Nous vivons dans une culture obsédée par les apparences. Évidemment, cette affirmation n’est pas nouvelle pour nous toutes. Je constate que des zillions de fois par jour, nous sommes bombardées par des images de beauté qui sont généralement blanches, jeunes, minces, capables(aucun handicap apparent), etc. Nous sommes mitraillées par le message que la beauté et les apparences sont des choses pour lesquelles nous devrions investir temps, argent, énergie et attention. Cette question : ‘Avez-vous bien vieillie?’ est posée dans un contexte de valeurs basées sur la jeunesse et l’apparence, comme si continuer à avoir l’air jeune, donc belle, signifie que nous avons maîtrisé et contrôler le processus de vieillissement. »
À propose de la décision de ne pas se colorer les cheveux, elle écrit : « il me semble que dans les mécanismes du processus physique du vieillissement, il y a des rappels que nous sommes mortels. Personnellement, j’aime me faire rappeler que je n’ai pas tout le temps du monde pour vivre ma vie. Je veux un rappel quotidien du temps qui passe et je veux utiliser ce temps que j’ai pour vivre de manière authentique. Cheveux gris, rides et peau tombante, nos corps nous rappellent qu’ils vont flancher aussi.
Il semble que présentement on fait face au vieillissement de deux façons : une stratégie consiste à cacher ses signes, ignorer que nous vieillissons et ignorer la mort. On dit : ‘Vieillesse, tu ne m’auras pas!’ Une autre stratégie est une forme de résignation qui blâme le vieillissement pour la perte de vitalité, de capacité, etc.
Vieillir gracieusement se trouve je crois, à mi chemin entre ces deux extrêmes. Cet équilibre que je cherche et que j’ai vu chez mes mentors, est la reconnaissance des changements et des pertes que le temps apporte et va continuer à apporter, tout en cultivant une compréhension plus profonde de la Vie et du Soi. Vieillir gracieusement c’est s’interroger sur comment je grandis et comment j’exprime mon identité profonde de jour en jour. Notre pratique du yoga est un rappel que notre essence spirituelle, notre vraie nature continue après que le corps meurt. Vieillir gracieusement c’est cette promesse que je peux approfondir ma connexion à cette essence et vivre en relation avec ce qui est vrai en moi. »
Ce que je réalise, comme je l’écris plus haut, c’est qu’à mon insu je suis influencée par ce que je vois entre autres sur les médias sociaux. Je me pensais à l’abri puisque je ne suis que sur Facebook, je regarde très peu la télévision et les publications de mode. À part ma famille et mes amis, les gens que je suis sur Facebook sont des enseignants de yoga ou de méditation. Plusieurs que je connais personnellement. Elles/ils sont des ‘stars’. Leur réputation et leur rigueur en font des enseignants demandés à travers le monde. Les suivre est inspirant. Mais il y a un revers : ça me renvoie à tout ce que je ne fais pas ou/et ne réussis pas. Le schéma ‘Pas assez’ n’est jamais bien loin.
En les lisant, je me dis : ‘Il faudrait que….plus de discipline, plus de pratique, plus de marche, etc.’
Alors il y a les effets pervers de la culture, des médias sociaux sur ma perception de mon corps et du processus de l’âge. Tout prend naissance très tôt dans nos vies. Sans nous en rendre compte, beaucoup de compliments ont comme base l’apparence.
Ma fille Elizabeth, adulte maintenant vit un trouble alimentaire suite à un choc post-traumatique. Elle est en surplus de poids. Et là, j’ai vécu au première loge et participé à la grossophopie et à tous les préjugés qui viennent avec : ‘c’est un manque de volonté, de discipline.’ ‘Quand on veut, on peut.’ ‘Faut juste se prendre en mains’. ‘Elle devrait faire un régime.’ ‘Faire plus d’exercice.’ Je le répète, j’ai pensé et dit toutes ses croyances. Retour en thérapie, pour comprendre, pour ensuite essayer de convaincre mon entourage sur ces croyances fausses et profondément ancrées en nous.
Par mon travail, j’ai fait la rencontre de centaines de femmes, portant chacune leur réalité physique. Par elles, j’ai vu la beauté dans la diversité. J’ai aussi reconnu le ‘poids’ que prend l’importance de l’apparence et le défi que représente pour nous toutes de transcender les injonctions reçues.
J’essaie maintenant de faire des compliments qui ne sont pas reliés à l’apparence. On doit se pratiquer, c’est tellement loin de ce que nous avons appris! En voici quelques uns :
– Tu es un rayon de soleil!
– Tu as le plus beau rire.
– Tu m’inspires.
– J’aime combien tu es passionné.
– Le monde est meilleur parce que tu y es.
– Tu es une des personnes les plus braves que je connaisse.
– Tu me permets d’être moi-même. Tu me mets à l’aise.
– Tu es un/une amie incroyable.
– Tu apportes une perspective rafraîchissante.
– Tu es intelligente.
– Tu fais vraiment une différence.
Comme Jack Kornfield le dit : We usually think someone else has it together. But as #Zen Master Ryokan writes: « Last year a foolish monk. This year, no change. » Et Sara Zimmerman illustre bien ce que je pense et ressent souvent!
Maintenant je veux d’avantage demander : ‘Qui suis-je?’ au lieu de ‘Qu’est-ce que je veux devenir?’ Je suis fatiguée d’avoir des buts ‘d’amélioration’ parce que je crois que je ne suis pas ‘assez’. Je reste petite (playing small) parce que je me dis que je ne suis pas parfaite au yoga (je n’arrive plus à faire la posture sur les mains, je ne pratique pas la posture sur les épaules ou sur la tête chaque semaine), je n’ai pas fait 3 mois de retraite silencieuse au Népal (donc pas assez de pratique pour enseigner la méditation), je ne cours pas le marathon, je ne fais pas de cures de jus et de régimes sans gluten. Parfois je me dis, je ne devrais pas être dans une relation car j’ai de la difficulté avec le dialogue, les conflits et les conversations difficiles.
Et là, maintenant, aujourd’hui, je me dis tant pis! J’essaie, je fais de mon mieux. Je reconnais mes erreurs et j’en ferai encore. Pas grave! Pas besoin de m’auto flageller!
Le lendemain après avoir écris ce texte, je suis retombée sur le poème de Danna Faulds par deux fois (dans des endroits différents). Cette semaine il est mon intention à chaque cours:
The moment your eyes are open, seize the day. Would you hold back when the Beloved beckons? Would you deliver your litany of sins like a child’s collection of sea shells, prized and labeled? “No, I can’t step across the threshold,” you say, eyes downcast. “I’m not worthy, I’m afraid, and my motives aren’t pure. I’m not perfect, and surely I haven’t practised nearly enough. My meditation isn’t deep, and my prayers are sometimes insincere. I still chew my fingernails, and the refrigerator isn’t clean.” Do you value your reasons for staying small more than the light shining through the open door? Forgive yourself. Now is the only time you have to be whole. Now is the sole moment that exists to live in the light of your true Self. Perfection is not a prerequisite for anything but pain. Please, oh please, don’t continue to believe in your disbelief. This is the day of your awakening.
S.v.p, oh, s.v.p, arrête de croire que tu es indigne.
Aujourd’hui est le jour de ton Éveil. Et du mien! Et la petite case ‘perfection’, je rentre plus dedans! J’en ai même plus envie! Liberté!
Merci de me lire et de cheminer.
Dominique
P.S. : un merci spécial à ma fille Elizabeth de me lire et de permettre d’écrire ses lignes. xx
Merci à mon amie Elisabeth pour sa précieuse collaboration dans la correction du texte. xx